Par JJ Hervy

Le règne de Louis XV commence sous le signe du Champagne que l’on fait couler à flot au lendemain de son couronnement, ainsi que le  rapporte le journaliste et écrivain Pierre Gaxotte (1895-1982) dans son livre sur « Le siècle de Louis XV » :

« Au retour de Reims, tout Paris alla au-devant du roi à Villers-Cotterets. Il y eut danse, musique, foire, comédie, illuminations, et pour finir un buffet monstre où chacun pouvait se servir à son gré. Trois mille tables avaient été dressées, avec cent quinze mille verres et cinquante mille assiettes de fruits ou de gâteaux. On but quatre vingt mille bouteilles de champagne ».

Ce roi, connu pour son amour des belles personnes et des belles choses, bien qu’il n’ait pas laissé le souvenir d’avoir abuser des boissons alcoolisées, va favoriser le développement du commerce des vins de Champagne. On lui rapporte que ses sujets marquent leur préférence pour les vins « gris » qui moussent, or ces vins ne supportent pas d’être transportés en fûts, sous peine de perdre totalement leur qualité.

Alors, le « Bien Aimé » va autoriser le transport du Champagne en bouteilles par un arrêté du 25 mai 1728 (conservé à la Bibliothèque Nationale) en permettant notamment de le faire passer par la Normandie, « pour être transporté dans les pays exempts de droits d’aydes ou pour être embarqué pour l’étranger dans les ports de Rouen, Caen, Dieppe et le Havre ».

L’exportation du Champagne va dès lors connaître un essor rapide, ainsi qu’en témoigne un contrat notarié daté du 18 novembre 1750 (classé aux Archives Départementales de la Marne) concernant le transport de Châlons-sur-Marne à Rouen de 11 paniers de 840 bouteilles « pour faire passer aux Isles françaises de l’Amérique ».

Le succès de ces vins ne fera que croître, d’autant plus qu’on lui prêtera des vertus thérapeutiques « contre les fièvres putrides et autres maladies de même nature », vertus qui feront l’objet de communications savantes à la Faculté de Médecine de Reims, en 1778, quatre ans après la mort du roi.

1778 est aussi l’année de la disparition de Voltaire, grand amateur du merveilleux breuvage qu’il a célébré dans ses écrits et dont on retiendra ces deux vers élogieux :

« De ce vin frais l’écume pétillante

De nos français est l’image brillante »

                                               (Le Mondain, 1736)

Jean Jacques Hervy